Photographier malgré moi : pourquoi j’ai lancé mon projet photo Rekindle

L’appareil photo rangé dans mon placard. L’envie de créer. Mais le corps qui ne répond pas à cette envie. Des idées de projets photos qui m’envahissent alors que le prof nous parle de « parcours client omnicanal ». Quelques minutes après, la petite voix qui me dit : « Bon, tu sais très bien que tu ne va pas aller au bout de tout ça. Arrêtes de te faire de fausses promesses. » Ce n’est vraiment pas une « flemme », c’est beaucoup plus intense. Et c’est en réponse à ça que j’ai lancé Rekindle : un blocage. Et une révolte douce contre ces démons.

Auto-diagnostic de ma bête noire : le perfectionnisme.

Aussitôt que j’ai décidé de me lancer dans la photo, j’ai eu le malheur de faire face à un démon qui me suit même dans d’autres recoins de ma vie : le perfectionnisme. J’ai une obsession par le fait de créer quelque chose d’irréprochable, comme si ma vie en dépendait. Et c’est bien la photographie qui m’a aidé à en prendre conscience. 

Dès que j’ai commencé à partager mes photos sur les réseaux (en 2013), j’avais comme l’impression que le monde me regardait maintenant, et que je n’ai plus le droit à l’erreur. 

Le fait même de créer ma page et d’y publier mes prises était comme une sorte de professionalisation précoce de ma passion. Ça m’a vraiment permis d’évoluer, de produire plus, de chercher des opportunités pour photographier des gens ou couvrir des événements, et ça a vraiment marché d’ailleurs. 

Sauf que plus j’évoluais, plus je nourissais mon goût visuel, et plus mes attentes envers mon propre travail grandissaient. Mais l’évolution de mes compétences ne suivait pas le même rythme. Une dissonnance se crée alors, qui à son tour déclenche un perfectionnisme chronique.

Aujourd’hui, avec du recul, je peux voir que c’est effectivement ça qui m’a autant bloqué pendant des années et qui m’a poussé à abandonner la photo pour de longues périodes.

Au-delà du perfectionnisme : le perfectionnisme émotionnel

Le terme « perfectionnisme » ne semblait pas bien définir mon blocage. J’avais des problèmes avec le rendu visuel de mes photos, certes. Mais je savais très bien que mon problème ne se résumait pas à ça.

Ce qui me démotivait par dessus tout, c’est ce sentiment que je n’arrivas pas à créer quelque chose qui valait la peine d’être créée. Je voulais, à travers chaque cliché,  provoquer impérativement quelque chose chez les gens. Quelque chose qui porte obligatoirement un message, peu importe ce que c’est. Je voulais créer une photo qui n’a jamais été prise auparavant.

C’était ça pour moi la définition même d’un artiste : un créateur innovant, qui donne naissance à une oeuvre jamais vue auparavant, et qui ne crée jamais sans véhiculer une intention ou un message.

Morale de l’histoire : j’avais tort. 

La naissance de Rekindle : un pacte avec moi-même

Quelques semaines avant que je siffle ma 26ème bougie, j’ai eu une conversation avec une personne qui m’est chère. On a parlé de ce problème que j’avais, et d’à quel point je n’arrivais pas à me débarasser de cette voix qui m’oppresse. Elle m’a dit : « Maher, tu ne va jamais pouvoir créer une photo extraordinaire à chaque fois que tu tient ton appareil. Et d’ailleurs, beaucoup de photographes disent qu’ils arrivent à cerner leur style et leur singularité après 10 ans de pratique. »

« Il n’y a aucun photographe qui arrive à prendre la photo parfaite à chaque prise. Les photos les plus incroyables que tu feras, elles ne viendront pas tous les jours. C’est en prenant beaucoup de photos que tu développeras ton style photographique, et que ces photos « presque parfaites » arriveront plus souvent. 

Mais si tu continues à attendre d’avoir la meilleure idée, le meilleur matériel, et même le meilleur cadre spatio-temporel, tu resteras toujours dans ce cercle vicieux, et tu n’évolueras jamais. »

Ces mots m’ont vraiment permis de me rendre compte de plusieurs choses en même temps, dont je vous parlerai dans mes prochains articles. 

Mais ce qu’il faut retenir c’est que, après cette conversation, j’ai décidé de me remettre à prendre des photos partout où je vais, sans pour autant avoir des attentes particulières. 

J’ai essayé de prendre des photos, juste pour le plaisir d’en prendre. Mais aussi pour pratiquer, et me remettre dans le bain.

Quelques temps plus tard, le jour où j’ai soufflé sur ma 26ème bougie, je me suis posé avec moi-même pour réfléchir à comment je pourrais tenir cet engagement avec mon appareil. 

Et c’est là que m’est venue l’idée de Rekindle : un projet photo expériemental, à travers lequel je partage des photos de mon quotidien, de ma vie, de la rue.. bref, de tout ce qui m’entoure et m’inspire. 

Pourquoi ce pacte ? Tout simplement pour raviver ma flamme pour la photo.

 

 

Alexandria, Egypt - 2024