Certaines images nous attirent, d’autres nous laissent indifférents.
On peut regarder deux photos très similaires, techniquement bien composées. Et pourtant, il y en aura forcément une qui sera gravée dans notre mémoire et qui nous fera ressentir quelque chose, et l’autre pas.
Alors, qu’est-ce qui fait qu’une photo nous attire ou nous « transperse » ?
Est-ce que c’est une question de sujet ? De couleur ? De lumière ? De contexte ? De notre humeur quand on la regarde ? Aujord’hui, je vous partage ce que j’ai pu trouver pour répondre à cette question.
En tentant de répondre à cette question, j’ai fait une recherche très basique sur internet. Pour être honnête, je n’ai pas trouvé grand chose au début.
Mais en cherchant sur youtube, je suis tombé sur quelques vidéos qui traitent le sujet et évoque un livre super intéressant qui en parle : La Chambre claire, de Roland Barthes.
Il y propose deux concepts qui m’ont donné des clés pour comprendre ce lien, parfois étrange, qu’on entretient avec certaines images :
le studium et le punctum.
Je n’ai pas pu maitriser tout le concept vu qu’il est super flou (et surtout que je n’ai pas lu tout le livre, mais plutôt des extraits). Mais je vous partage tout ce que j’ai pu comprendre de ces concepts.
Avant tout, qui est Roland Barthes ?
Première chose que j’ai appris sur Roland Barthes (et qui m’a beaucoup surpris d’ailleurs), c’est qu’il n’était pas photographe.
C’était un écrivain, un penseur, un analyste des signes. Il a beaucoup écrit sur la façon dont on donne du sens aux choses, au langage, aux images, aux objets du quotidien.
Quand il a écrit La Chambre claire, il venait de perdre sa mère.
Et ce sont des photos d’elle qui on pu déclencher sa réflexion. Une exploration très personnelle : pourquoi certaines images me touchent, et d’autres non ?
C’est de là que naissent les deux notions centrales du livre : le studium et le punctum.
Deux manières de recevoir une image. Deux façons d’être atteint, ou de passer outre.
Le studium : le contexte d’une photo
Barthes appelle studium tout ce qu’on reconnaît dans une photo.
C’est ce qui nous parle par la culture, l’esthétique, le sujet ou le message.
Le studium, c’est cette photo qu’on trouve “intéressante”.
Celle qu’on peut commenter, analyser, apprécier.
On voit l’intention. On comprend ce que l’auteur a voulu dire. Et à défaut de comprendre, c’est qu’il y a un manque de contextualisation.
“Le studium, c’est ce goût pour une photo, mais sans plus.” – Roland Barthes
On peut ressentir des choses, bien sûr.
De l’émotion, de la curiosité, même de l’admiration.
Mais tout ça reste dans un cadre collectif, rationnel, explicable.
C’est le type de photo qui est souvent bien faite, bien pensée — mais qui, une fois qu’on passe à autre chose, ne laisse pas forcément de trace.
Elle a été “vue », mais pas forcément “vécue”.
Par exemple, la photo prise par Koen Wessing en 1979 (ci-dessous), montrant une rue dévastée au Nicaragua avec trois soldats armés en patrouille et deux nonnes traversant la rue en arrière-plan, peut être interprétée comme la présence d’une opposition traditionnelle entre guerre et religion, violence et spiritualité.


Le punctum : ce qui nous traverse, sans savoir pourquoi
Là où le studium est ce qu’on voit, ce qu’on comprend, ce qu’on reconnaît ou ce qu’on peut interpréter clairement..
Le punctum, lui, n’a rien d’intellectuel.
Barthes le décrit comme ce détail qui nous “poigne”, qui perce l’image et vient nous chercher sans qu’on sache trop pourquoi.
Ce n’est pas forcément le sujet principal, ni un élément spectaculaire.
C’est souvent quelque chose de minuscule. Un geste maladroit. Un bout de doigt coupé. Un regard perdu dans le vide.
“Le punctum, c’est ce hasard qui me point
(mais aussi me meurtrit, me poigne).” – Roland Barthes
Et ce qui est intriguant dans l’histoire, c’est qu’on ne choisit pas ce punctum.
Il ne se voit pas toujours au premier coup. Il n’est pas conscient, ni rationnel.
C’est une résonance. Un choc discret. Une trace émotionnelle qui dépasse notre compréhension immédiate.
Barthes va même jusqu’à parler de trauma.
Il dit que certaines photos n’activent pas seulement la mémoire, mais réveillent un manque, ou une perte — quelque chose de plus profond que l’image elle-même.
Il regarde une photo de sa mère enfant, par exemple, et dit qu’il ne peut pas l’analyser. Il ne peut que la ressentir.
Elle ne représente pas sa mère. Elle est sa mère. Elle le transperce.
Et c’est ça, le punctum.
Pas un effet volontaire du photographe.
Mais un lien invisible, parfois inconscient, entre ce qui est dans l’image… et ce qui est en nous.
Ce qui me touche, moi, ne touchera pas forcément quelqu’un d’autre.
Ce n’est pas une émotion universelle. C’est un impact personnel, intime, silencieux. Un détail qui n’a l’air de rien, mais qui reste.
Voici des exemples de ce que représenterait un punctum, selon Bathes.

Cette photographie montre Lewis Payne, un jeune homme impliqué dans l’attentat contre le secrétaire d’État américain William H. Seward, peu après l’assassinat d’Abraham Lincoln. Gardner le photographie en prison, peu avant son exécution.
Barthes considère cette image comme un exemple de punctum : au-delà de l’intérêt historique (studium), ce qui le « poigne » est la conscience que cet homme va mourir peu après la prise de vue. Cette connaissance ajoute une dimension poignante à la photographie.
Petit exercice : lesquelles de mes photos me touchent le plus ?
Quand j’ai découvert ces concepts — studium, punctum — je me suis posé la question : quelles sont les photos que j’ai prises qui m’ont vraiment poigné ?
J’ai fini par en choisir 4. Je vous les met ci-dessous, sans vous expliquer pourquoi. Mais par contre, j’aimerais bien que vous me disiez ce que ces photos provoquent chez VOUS.
Peut-être aurons-nous le même punctum ? Ou est-ce que vos interprétations et ressentis finiront par être un studium ? N’hésitez pas à m’envoyer un message sur instagram pour en discuter.



