L’hiver en France : l’amertume sucrée qui a provoqué ma plume

J’ai lancé mon projet photo « Rekindle », quelques jours après mon 26ème anniversaire. Au tout début, c’était juste un moyen pour moi de me reconnecter à la photo en partageant les prises de mon quotidien à Paris. Trois publications après, j’ai décidé d’expérimenter quelque chose : accompagner mes photos de texte (légèrement poétique), pour exprimer des émotions qui me traversaient. Mon premier hiver en France était dur à vivre, mais ce nouveau format était vraiment thérapeutique pour moi tout au long de l’épreuve. 

D’un soleil omniprésent, à une grisaille étouffante

Pour vous expliquer un peu le contexte, j’ai emménagé à Paris en août dernier. J’ai vécu toute ma vie en Tunisie, pays où le soleil ne quitterais jamais ma peau. Je suis venu à Paris en juin 2023 pour un stage de fin d’études pour 5 mois. Un an après j’ai décidé d’y retourner pour m’installer pour une durée indeterminée. 

Je n’avais jamais vécu un hiver en France auparavant, et tout le monde m’avait bien prévenu que ce n’était pas évident du tout. Je savais très bien que j’étais très sensible au temps et à la présence du soleil, mais je n’ai pas voulu faire une fixette sur ça.

Arrivé novembre, la présence du soleil était devenue une sorte de fête nationale. Il faisait gris quasi tout le temps, et la nuit tombait très tôt. Je n’étais pas très conscient de l’effet que ça me provoquait, mais je me sentais très souvent perdu, triste, anxieux et parfois même emprisonné en dessous d’une obscurité épaisse.

Au milieu de tout ça, j’essayais d’instaurer une sorte de discipline créative pour faire des balades photo et prendre des clichés un peu partout dans Paris pour raviver ma passion.

En parallèle, j’avais cette folle envie d’écrire tout ce que je traverse et tout ce que je ressens dans mon carnet personnel. Le jour où j’ai mixé mes chroniques avec mes photos, j’ai pu créer un format qui me plaisait énormément et qui me procurait beaucoup de plaisir à créer et surtout à partager. 

Le fil conducteur de toutes mes publications hivernales, c’est les réflexions que j’ai eues pendant cette période de transition à une nouvelle vie, et les leçons que m’a appris mon premier hiver en France. 

Aujourd’hui, je décide de les partager avec vous.

La tendresse de l’amour est un refuge

Le plus compliqué à vivre pendant l’hiver ici, c’est cette solitude que la vie t’impose, peu importe le nombre d’amis que tu as. Tout le monde s’abrite pour fuir le froid, et se crée un cocon pour garantir une certaine vivacité.

Ce que j’ai appris de mon côté, c’est que l’amour peut aussi bien un refuge que n’importe quel espace « cocooning ». Pour ma part, j’ai pris ma dose de chaleur de tout l’amour qui m’entoure. Je suis tellement reconnaissant d’avoir pu me ressourcer de toutes les amitiés que j’ai, et des nouvelles que j’ai pu créer. 

Partout où j’allais, je cherchais l’amour même dans les petits détails dans la rue. Et rien que le fait de voir un bisou sous un parapluie, une personne qui caresse son chien, un·e serveur·se qui travaille qui sourit à ses clients, ou même un groupe d’amis qui prennent un selfie.

 

L’intention de photographier comme ancrage révélateur

Vu que j’essayais de prendre des photos un peu partout où j’allais, j’ai pris le réflexe de m’ancrer dans l’instant présent. C’est comme si mes yeux étaient en constante recherche du moment idéal à figer, ou du mouvement à capturer. 

Cet ancrage dans les détails de l’instant présent (qui ne m’arrive pas souvent d’ailleurs, vu que j’ai cette tendance de plâner dans mes pensées tout au long de la journée), m’a certainement permis de chercher une beauté quelque part dans le quotidien. 

Le revers de la médaille, c’est qu’il m’a aussi ouvert les yeux sur plusieurs injustices de la vie. Le fait d’être plus présent m’a révélé beaucoup de douleurs. La douleur du regard des plus démunis, l’amertume de ceux qui laissent tout dérrière eux pour commencer une nouvelle vie, et même la solitude de ceux qui ont renoncé aux lettres et aux mots qu’ils marmonnaient tous les jours pour s’exprimer.

Je voyais et j’entendais le bruit derrière chaque silence. Je visualisais le combat que chaque personne qui ne vient pas d’ici mênait. Et cette différence de traitement que l’on pouvait subir, juste par pretexte que nos racines ne sont pas proliférées sous le même sol.

Quête de sens et de rayons de soleil

Après 3 mois de froid, de nuages et de dispersion, j’ai craqué : je voulais bouger dans le sud pour quelques jours après le nouvel an pour absorber un peu de rayons de soleil. Je suis donc parti à Marseille avec mon partenaire de voyages préféré : Benjamin. 

Cette période était pleine de questionnements pour moi. Le climat politique et atmosphérique m’ont fait douté de mes décisions : Est-ce que j’ai fait le bon choix de venir m’installer ici ? Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ? Vivre loin de tout ce que mon coeur a longtemps chéri, pour mener une vie « meilleure » ? Est-ce que j’arriverais à trouver ma place dans un endroit où on me considère comme « étranger » aussi bien dans la paperasse qu’à travers les regards ?

En allant à Marseille, j’ai pu savourer le soleil que je cherchais. Il était tellement précieux à ce moment-là, que je n’ai fait que le suivre à chauqe prise. 

En découvrant Marseille, j’ai pu aller au bout de mes réflexions existentielles. Peut-être que c’était la beauté de la ville, ou même l’abondance des rayons de soleil ? Je ne sais pas. Mais il y avait quelque chose de réparateur dans l’énergie de cette ville qui m’a aidé à cadrer mes pensées et calmer mes inquiétudes. 

Voici ce que j’en ai conclu : Même si ma décision de m’installer m’a immédiatement collé une étiquette d’immigré, je la porterai comme une force plutôt qu’une malédiction. 

Même si tout ce qui se passe dans le monde me boulverse et me dénude d’espoir, je prendrai ce dégoût et je le transformerai en force de lutte.

Cette étiquette vient avec beaucoup de responsabilités, certes. Mais j’ai décidé de la prendre comme un moyen pour moi de solidifier mes racines, de déconstruire notre idôlatrie inconditionnelle envers cette « terre d’accueil », et de montrer à quel point mes origines sont une source de fierté et d’inspiration.

J’espère qu’un jour je rendrai mon pays fier, et que je serai de plus en plus fier de mon pays.